Immatriculation au RCS et indemnité d’éviction : que dit la jurisprudence ?

Lorsque le propriétaire d’un local ne souhaite pas renouveler le bail commercial qui le lie à son locataire, ce dernier est normalement bénéficiaire d’une indemnité d’éviction. En pratique, deux arrêts récents de la Cour de cassation viennent toutefois préciser et nuancer cette règle. Il en ressort notamment que la rédaction exacte du bail sera essentielle en cas de litige !

Indemnité d’éviction et bail commercial : quelle est la règle ?

Lorsque le bail commercial arrive à échéance, c’est-à-dire au bout de neuf ans, le bailleur a la possibilité de récupérer son bien s’il le souhaite et de donner congé au locataire. Ce dernier est alors éligible au versement d’une indemnité d’éviction. Le propriétaire peut s’opposer au versement de cette indemnité d’éviction dans trois cas seulement, lorsque le locataire :

  • A commis une faute telle que le non-paiement des loyers et des charges, ou encore une sous-location du bien sans autorisation du propriétaire ;
  • N’a pas assuré l’entretien du bien au point de le rendre dangereux et insalubre ;
  • Ne satisfait pas à une condition directement en lien avec la détention d’un bail commercial.

En quoi consiste l’indemnité d’éviction ?
L’indemnité d’éviction est prévue par l’article L. 145-14 du Code de commerce. Son calcul dépend de certains critères, notamment la valeur estimée de l’activité marchande, et la perte ou la conservation de la clientèle. Un désaccord entre les deux parties peut être soumis au tribunal de commerce.

Pas d’indemnité d’éviction en cas de non-inscription au RCS…

Un bailleur a récemment refusé le bénéfice d’une indemnité d’éviction à un locataire en partance. En l’espèce, le bailleur reprochait à la société locatrice un défaut d’immatriculation au registre du commerce et des sociétés (RCS) concernant le terrain loué. La société concernée a contesté cette décision en justice, arguant avoir fait le nécessaire par la suite.

Faisant suite à une première décision de la Cour d’appel de Colmar allant dans le même sens, la Cour de cassation donnait raison au bailleur dans un arrêt n°19-11215 du 23 janvier 2020. La haute juridiction confirme que l’inscription au RCS est nécessaire pour prétendre bénéficier des dispositions applicables aux baux commerciaux.

… sauf si le bail le prévoit expressément

Un nouvel arrêt de la Cour de cassation du 28 mai 2020 est venu apporter une nuance importante sur le même sujet. Dans cette nouvelle affaire, le locataire d’une maison avec piscine exploitée en tant que gîte hôtelier contestait l’absence d’indemnité d’éviction versée par le bailleur au seul motif d’une non-inscription au RCS.

La Cour de cassation, cette fois, a donné raison au locataire et confirmé donc l’obligation faite au bailleur de verser cette indemnité. La raison ? Le bail mentionnait explicitement que la réglementation des baux commerciaux s’appliquait, même si toutes les conditions habituelles n’étaient pas remplies. En cette circonstance, cette formule standard et passe-partout s’est donc retournée contre le bailleur, qui n’a pas pu faire valoir le non-respect d’une condition.

Les commerçants locataires désireux de préserver leurs droits en cas d’éviction doivent veiller scrupuleusement à leur inscription au registre du commerce et des sociétés. Les bailleurs, quant à eux, doivent éviter des clauses d’interprétation trop large lors de la rédaction du bail.

Les points clés à retenir :

  • Une indemnité d’éviction est due en cas de non-renouvellement du bail commercial, sauf faute du locataire.
  • La jurisprudence confirme que le défaut d’inscription au RCS est un motif valable pour refuser le versement de l’indemnité.
  • Même dans ce cas, l’indemnité peut rester due si le bail commercial le prévoit explicitement.

Par Cédric Launay


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